Sur ce site web on met des office du rite byzantin,
mais on insiste sur les particularités transylvaniennes. Déjà
le Père Mercenier montrait que le rite byzantin a un usage propre
aux Roumains, mais lui, bien que presque tous les autres liturgistes, ignorent
la grande différence entre le rite byzantin de la Walachie & Moldavie
– qui suivent l'usage slavon – et l'usage transylvanien.
Certains considèrent le rite byzantin roumain en général
comme s'inspirant à la fois de l'usage grec et de l'usage slave. D'autres
prennent les pratiques transylvaniennes comme pour de la latinisation ou
de l'uniatisme pur, sans savoir discerner les vraies latinisations des uniates,
des usages transylvaniens dont on ne trouve apparemment pas l'origine, et
en oubliant que le rite byzantin en Transylvanie était le même
dans toutes les communautés byzantines transylvanienne, jusqu'il y
a quelques années, qu'il s'agît des "gréco-orientaux"
ou des "gréco-catholiques". Pour bien discerner les choses, il faut
un peu faire l'anamnèse de la liturgie en Transylvanie.
Les historiens modernes aiment voir en saint André l'évangélisateur
des Roumains, et ils ignorent le fait qu'il avait évangélisé
la Scythia Minor (la Dobroudja d'aujourd'hui), et pas plus. Le premier qui
ait prêché l'Évangile sur le terroir de la Transylvanie
d'aujourd'hui fut saint Nicétas de Rémésiane. Quelle
que soit l'opinion des historiens, une chose est claire et communément
admise: les Roumains n'ont reçu le rite byzantin qu'à la fin
du Xe siècle, ce qui montre bien que les Roumains – de langue romane
– étaient aussi de rite occidental. Le rite byzantin leur fut imposé
contre leur gré, avec l'usage slave et en langue slavone.
Après cela, les Roumains – les Transylvaniens étant les
plus fervents – ont mélangé au nouveau rite d'occupation des
usages propre au rite d'origine. C'est cela qui fait avant tout notre spécificité.
Il ne s'agit donc nullement d'une latinisation, mais de l'inculturation du
rite byzantin-slavon en terre romane. Il serait plus exact de dire qu'il s'agit
d'une byzantinisation-slavisation de la spiritualité romane. Les réliques
liturgiques et traditionelles transylvaniennes ne nous viennent pas du rite
romain, mais plutôt du rite qui était pratiqué dans la
Gaule, à Milan et ailleurs en Occident. Aujourd'hui ce rite byzantin
transylvanien est menacé par deux défis: d'un côté
la tridentinisation (latinisation à l'ancienne), pour les communautés
uniates, et la moldo-wallachisation, pour les communautés orthodoxes.
Avant de parler en détail de ces deux défis, regardons les
particularités du rite byzantin transylvanien.
Formes particulières
I. L'année liturgique
1. L'
AVENT.
On sait bien que dans le rite byzantin "pur" l'avent, nommé « abstinence
de Noël », est une periode où l'on fait abstincence
de certains aliments, mais qui n'a rien à voir avec la fête
de Noël, proprement parlant: les lectures suivent toujours le même
cycle en fonction de la Pentecôte, à l'exception du dimanche
qui précede la fête. Rien de plus. Par contre, dans les rites
occidentaux, l'avent annonce les deux venues du Christ: la première
(l'incarnation) et la deuxième (la parousie). La spiritualité
transylvanienne garde la même chose. À partir du premier dimanche
de l'avent, on commence à chanter les
calendes. Le terme transylvanien en est
corindă (pluriel
corinzi
), que les philologues traduisent par « chant de Noël »
ou tout simplement « noëls », ce qui est faux.
Les calendes sont des chants populaires qui parlent de la naissance de Jésus,
de la parousie, du jugement dernier, et même des noces de Cana et du
baptême du Seigneur. Cela démontre que l'origine des calendes
remonte aux vieux temps où l'avent était fêté
à la manière occidentale et le Noël avec la baptême
et les noces de Cana ne formaient qu'une seule fête. En Transylvanie
encore, dans beaucoup de villages il y a des équipes de Bethléem,
qui se préparent dès le premier jour de l'avent à jouer
la pièce de théâtre de la nativité. Cela rappelle
bien la "crèche vivante" occidentale. L'après-midi du 24 décembre,
d'abord les enfants commencent à
calender de maison en maison, et ils reçoivent des pommes, des noix, de l'argent et des petits pains appellés
colac (pluriel
colaci), qu'on trouve à Noël égallement en Wallonie sous le nom de
cougnou.
Puis suivent les groupes d'adultes avec leurs calendes. Enfin, le soir
rassemble à l'église la troupe de Bethléem, qui y joue
la pièce, puis elle passe par certaines maisons du village. Les calendes
se chantent à toutes les messes de l'avent, comme chants de communion,
ce qui rappelle, du moins dans une certaine mesure, le
Rorate cæli
de l'Occident.
2. L
E CHANDELEUR.
Comme dans les rites Occidentaux, on bénit les cierges, mais à
la fin de la messe. Si dans les foyers occidentaux il y a la tradition de
manger des crêpes à la Chandeleur, cela est transferé
à la fête des 40 martyrs de Sébaste.
3. L
E CARÊME.
Il faudrait préciser avant tout que le rite byzantin "pur" prévoit
la liturgie des présanctifiés pour les mercredis et les vendredis
de carême, tandis que les lundis, mardis et jeudis sont des jours "alliturgiques",
qui ne comportent donc pas de célébration eucharistique. L'usage
transylvanien pourtant, prévoit la messe tous les jours. Même
dans les communautés qui célèbrent éventuellement
les présanctifiés le vendredi, le reste de la semaine est toujours
liturgique, en comprenant des vraies messes de lundi jusqu'à vendredi.
Comme le lectionnaire n'a pas d'épître et d'évangile
pour les jours de semaine en carême, il y en a des méthodes
différentes. De toute façon, en Transylvanie, on lit toujours
l’évangile aux présanctifiés. Les uns prennent la péricope
du saint du jour. Dans les paroisses vraiment traditionalistes, le prêtre
ouvre l’évangéliaire au hasard, lit la péricope, puis
improvise une belle homélie. Et c’est ici l’aventure : cette homélie
improvisé d’après une péricope inopinée exclut
l’intéllecte et fait place au cœur. Il y a encore quelques paroisses
où l’on choisit l’évangile en fonction du passage de la Genèse
qui est préscrit. Pour les messes en semaine, on suit les mêmes
méthodes.
4.
SEMAINE-SAINTE & PÂQUES.
Si les églises byzantines ne connaissent pas la procession avec
les palmes, sauf les Mélkites, en Transylvanie on connaît au
moins la bénédiction des palmes, à la fin de la messe.
Il est vrai que la messe vêprée du soir du jeudi-saint et celle
de la nuit pascale sont tombés en désuétude, mais cela
est de l'ordre de la walachisation, dont on parlera plus tard. Aux matines
du vendredi-saint, pendant la 15-e antienne, on a le rituel de la plantation
et de la vénération de la sainte croix. Cette coutume est,
selon le témoignage du Père Couturier cité par le Père
Mercenier, d'origine mélkite, et a été adopté
aussi à Constantinople en 1824. Il n'est pas exclu que ce rituel ait
été d'abord transylvanien, car il est une rélique du
rituel de la vénération de la sainte croix du soir du vendredi-saint
des rites occidentaux. Ensuite, le rite byzantin "pur" prévoit que
l'épitaphe soit disposé sur la table eucharistique le vendredi
soir à vêpres, puis, à la fin des laudes du samedi-saint
on fait un procession autour de l'église avec l'épitaphe, et
enfin on l'expose au milieu de l'église, jusqu'avant les matines du
dimanche de Pâques. La tradition transylvanienne a pris un minimum
de ces usages, en les adaptant aux vieux usages occidentaux. Ainsi,
l'épitaphe est exposé dès l'achèvement de la
messe du jeudi-saint, non au milieu de l'église, mais à l'écart,
pour former le reposoire occidental. Sur ce reposoire on expose, sur l'épitaphe,
le ciboire contenant la réserve eucharistique qui avait été
consacrée un an auparavant, tandis que dans le tabernacle on met la
custode contenant la nouvelle réserve eucharistique, qui vient d'être
consacré le jour même. Le crucifix et les icônes sont
couverts de linges de couleur sobre, coutume bien occidentale. Il faut noter
encore qu'après la messe du jeudi-saint, le prêtre ne purifie
pas le calice, mais le pose sur la table eucharistique, afin d'en donner
la communion, le vendredi-saint, aux malades. Les matines du samedi-saint
sont chantées devant le reposoire. Avant les matines de la résurrection
on découvre le crucifix et les icônes, et on étteint
toutes les lumières sans exception. Le peuple attend, des bougies
non allumées à la main, dans la cour de l'église, où
se trouve une table garnie d'une nappe blanche, dans les ténèbres.
Le prêtre, dans l'église, allume le cierge pascal – une
autre belle rélique occidentale, et non le trident byzantin ! –
et le prend à la main gauche, puis il prend le ciboire du reposoire,
et sort ainsi de l'église, en chantant trois fois: « Venez
et prenez de la lumière ! », ce qui ressemble bien
aux coutumes occidentales. Après que les fidèles allument leur
bougie à partir du cierge pascal, le prêtre lit l'évangile
de la messe de la vigile. Après cela, la bénédiction,
le trope « Christ est ressuscité » avec les
stiques, pendant que le prêtre contoure la table, avec un garçon
tenant le cierge pascal. Après cela, on fait la procession trois fois
autour de l'église, le prêtre tenant le ciboire et le garçon
le cierge pascal, après quoi on rentre dans l'église, pour
chanter le canon de saint Jean de Damas et le reste des matines, tandis que
le ciboire sera remis dans le tabernacle et l'épitaphe posé
sur la table eucharistique. Une autre spécificité de l'usage
transylvanien est la bénédiction des eaux, comme dans les rites
latins. Puisqu'il n'y a presque pas moyen de bénir les eaux durant
la vigile ou les matines, cela se passe avant la bénédiction
des œufs, toujours à la table de la cour de l'église.
5.
TEMPS PASCAL.
Le rite byzantin ne connaît pas de rogations. En Transylvanie, par
contre, elles sont présentes et encore plus logiques que chez les
Latins. À remarquer que le mot « rogation »
(en roumain
rugăciune) désigne chez les Roumains toute prière,
de n'importe quel genre. L'Occident avait autrefois les rogations durant
les trois jours qui commencent la semaine de l'ascension. Cela brisait un
peu l'atmosphère pascale, par la pénitence, ce qui les a jetées
à la porte par la dernière réforme liturgique. En Transylvanie
on fait les rogations, sans pourtant briser le temps pascal. D'abord, à
la Pentecôte, l'église est ornée de rameaux verts de
tuilleuls. Sans doute, cela tient d'une influence de la parte de la Fête-Dieu
latine. Après la messe de Pentecôte, on se rend en procession
vers le champ de blé, tout en chantant les tropaires de la petite
bénédiction de l'eau et des chants à l'Esprit saint.
Arrivés au champ, on bénit l'eau, et le prêtre dit des
prières pour que Dieu défende les cultures, contre les insectes
et les maladies. On prend de l'eau bénite dans les cruches, pour l'emporter
dans les foyers, tout comme à l'Épiphanie. Dans l'après-midi,
bien entendu, il y a les vêpres « de la génuflexion ».
Malgré que pour le rite byzantin "pur" la semaine qui suit la Pentecôte
est privée de toute abstinence et deuil, toutefois en Transylvanie
ce sont des jours de prières pour les cultures. Il n'y a pas tellement
l'idée d'une fête de la Trinité, mais de l'Esprit Saint
et des rogations; non seulement le lundi, mais aussi le mardi est chômé.
6.
QUATRE-TEMPS D'AOÛT.
Le quatre-temps de la Vierge s'étend pour tous les byzantins entre
le 1 er et le 14 août. Dans les paroisses transylvaniennes chaque soir
a lieu la paraclèse de la Vierge, dans une forme bien abrégée,
mais que tout le peuple sait chanter. À la veille de la fête
de l'Assomption, on fait l'office de la ceinture de la Vierge, dans la cour
de l'église, avec l'icône de la Vierge, déposée
debout sur une table, et entre les cantiques les gens forment trois cercles
concentriques, qui tournent autour de la table: le premier et le dernier
cercle dans le sens des aigues de la montre, et celui du milieu en sens opposé.
Dans les monastères et les collégiales, il y a une vigile de
toute la nuit, comportant la paraclèse (sous la forme mentionnée),
avec litie, puis des confessions jusqu'à minuit. À minuit il
y a en plein air, les prêtres face au peuple, la première messe
de la fête. La vigile continue après la messe, avec des confessions
et des chants, puis, au matin il y a la deuxième messe. La plupart
des monastères transylvaniennes sont dédiées à
la Vierge, de sorte que le plus grand pélérinage d'Assomption
de l'Europe se trouve en Transylvanie, au monastère de Nicula (près
de Gherla).
7. L
A FÊTE DES DÉFUNTS.
Comme chez les Occidentaux, les Transylvaniens ont la fête des défuncts
en novembre: de coutume le premier samedi de novembre, et pas en carême,
comme les autres Byzantins.
II. Offices et sacrements
1. L
A MESSE.
L'idée russe et grecque de ne célébrer l'eucharistie
que les dimanches et les jours de fête est completement étrangère
à la spiritualité des Transylvaniens de rite byzantin. Aujourd'hui
c'est un problème assez délicat, à cause des deux défis
dont on a parlé plus haut; c'est pour cela qu'on se réfère
plutôt à la periode d'avant 1990, dont la pratique reste quand
même valable dans un très grand nombre de communautés.
L'eucharistie se célèbre en matinée, plus exactement
chaque matin, même en carême, sans avoir pour autant un grand
nombre de communiants. Bien sûr, dans les paroisses, la messe ne se
fait précédée par aucun autre office. Pour l'eucharistie
quotidienne, on exige seulement le jeûne depuis minuit, mais en aucun
cas on n'impose l'abstinence alimentaire pour les jours précédents,
non plus l'abstinance du lit conjugal: l'amour du Christ est d'une toute autre
nature que l'amour conjugal, et l'un n'exclut aucunement l'autre. L'évêque
orthodoxe d'Oradea-Mare (Großwarden), Vasile Coman, le rappelait bien
à ses prêtres. La confession n'était pas non plus collée
à l'eucharistie. L'ordo de la messe a toujours été et
reste assez simple: le chant liturgique traditionnel est vivace, et tout le
peuple chante à la messe, sans exception. Les litanies sont peu nombreuses.
Cela n'empêche que la célébration soit assez courte.
Plus précisément, l'ordo de la messe en Transylvanie ressemble
beaucoup à celui des Mélkites. Avant les années 1948,
la bination (célébration de plusieurs messes par jour, présidées
par le même prêtre, parfois sur la même table eucharistique)
était à la mode bien chez les uniates que chez les orthodoxes.
Plus encore, l'appartenance confessionale n'était pas un obstacle
pour la concélébration, de sorte qu'un prêtre orthodoxe
et un uniate trouvait logique de se servir parfois à la même
table eucharistique. Pour les fidèles il était aussi très
normal de communier à la messe de « l'autre chœur ».
Encore aujourd'hui, l'intercommunion eucharistique ne pose point de problème
à un grand nombre de fidèles, malgré que pour les prêtres
ce n'est plus la même chose qu'il y a cinquante ans. Comme on l'a dit
plus haut, pour les Transylvaniens, la messe dite de St Jean Chrysostome
est célébrée égallement en carême, de lundi
à samedi, sauf parfois les vendredis, lorsqu'on célébrait
quand même les présanctifiés. À part cette habitude
qui se rapproche des Mélkites ou des Latins, mais qui n'a autre origine
que la spiritualité locale d'avant l' "introduction" du rite byzantin,
il y a encore une habitude liturgique du terroir: la messe selon St Basile
le Grand. Au fait, cette messe se célèbre, selon le rite byzantin
"pur", uniquement 10 fois par an: aux vigiles du Noël et de l'Épiphanie,
à la Sainte-Basile (1-er janvier), les dimanches de carême (5
fois en tout), le jeudi-saint, et à la vigile pascale. En dehors de
ces 10 jours, la spiritualité transylvanienne connaît les « messes
noires ». Ça n'a rien d'occulte. Il s'agit de des messes
votives, célébrées très tôt, à minuit
ou à 4 heures du matin, et ce sont des messes avec l'anaphore de St
Basile, qui dépassent, évidemment, le chiffre des dix dont
on vient de parler. Mais le goût pour la prière nocturne chez
les Transylvaniens sera mieux mis en lumière par la prière
des nocturnes.
2. L
ES NOCTURNES.
Si dans les rites romain et byzantin "pur" la prière monastique
avant de se coucher est l'office des complies, chez les Byzantins transylvaniens
les complies sont inconnues. Par contre, la prière monastique transylvanienne
a deux pôles: la messe pour le jour et les nocturnes pour le soir avant
de se coucher. C'est une habitude tout à fait étrange à
la spirituelité moldo-walaque, où les nocturnes représentent
la prière du lever. Selon les livres liturgiques byzantins, l'office
des nocturnes a trois variantes: une pour le jours de semaine (lundi - vendredi),
une pour les samedis, une pour les dimanches. L'ordo des nocturnes byzantines
de semaines, selon l'usage "pur" est le suivant. On commence par le trisage
et le Notre Père, puis le psaume 50 [51] et le cathisme XVII, c'est-à-dire
le psaume 118 [119]. Suivent le credo et des tropaires de la parousie, puis
la prière de St Joannice, la prière de St Mardaire, deux prières
de St Basile, puis les psaumes 120 [121] et 133 [134], les tropaires des
défunts, quelques prières pour les défunts et une litanie
finale, même qu'à complies. Le samedi, l'ordo est le même,
sauf que le cathisme XVII est remplacé par le cathisme IX, c'est-à-dire
les psaumes 64-69, les tropaires de la parousie sont remplacés par
les tropaires matinaux quadragésimaux du 2-e ton, et les prières
de St Basile remplacées par celle de St Eustrate. Le dimanche, l'ordo
commence comme de coutume jusqu'au psaume 50 [51] inclus, puis un canon de
la Ste Trinité, suivi de quelques mégalinaires trinitaires,
trisage et Notre Père, puis l'acoustique de la résurrection
du ton occurent, la prière de St Joannice, et enfin la litanie finale.
En Transylvanie on suit tous les jours de l'année (samedis et dimanches
inclus) l'ordo suivant. On commence par la prière à l'Esprit
Saint, le trisage et le Notre Père, puis le psaume 50 [51]. Puis le
cathisme, qui n'est pas fixe. C'est-à-dire que chaque soir on prend
un autre cathisme, de manière consécutive, afin que durant
20 nuits on puisse parcourir tout le psautier. C'est une différence
majeure par rapport aux autres rites qui parcourent le psautier généralement
pendant les vêpres et matines. On verra plus bas que, à cause
de la psalmodie nocturne, le psautier sera omis à tous les autres
offices. Après le cathisme on dit les tropaires de la parousie et
la suite comme aux nocturnes ordinaires du rite byzantin "pur", sauf que
la litanie finale comporte plus de demandes. Après cela, au moins
les vendredis soir, les fidèles s'agénouillent, et le prêtre
lit des prières de délivrance et des prières de pénitence,
puis il les oint de l'huile des malades, en tant que sacramentail.
3. L
ES MATINES.
Ce terme ne désigne pas l'équivalent des "matines" (en effet
des nocturnes) latines, mais plutôt des laudes. Plus exactements, chez
les Byzantins, les matines comportent la prière proprement-dite des
matines, suivie tout de suite par la prière des laudes. Ces deux prières
forment un seul office. Au début des matines on a un invitatoire de
6 psaumes (appelé hexapsaume), suivi par la grande litanie. De tout
cela, normalement les Transylvaniens se contentent du dernier psaume, 142
[143] et de la litanie. Il y a des paroisses où l'on omet tout cela.
Suit le graduel « Le SEIGNEUR est Dieu » (du Ps 117
[118]) ou, de lundi à vendredi en carême,
Alléluia
avec des verset extraits du livre d'Isaïe. Après le graduel
les rubriques dominicales exigent le tropaire de la résurrection du
ton occurent, suivi par le tropaire du saint du jour, suivi à son
tour par le tropaire de la Vierge du ton sur lequel a été chanté
le tropaire du saint. De coutume, en Transylvanie, on se contente du tropaire
de la résurrection et du tropaire de la Vierge, tous deux du ton occurent.
Puis, les rubriques exigent une petite litanie, qu'on omet d'habitude, comme
toutes les petites litanies préscrites. Suivraient normalement deux
cathismes du psautier, chacune suivie par des petites litanies et des stances
poétiques. Puisque la psalmodie est rapportée aux nocturnes,
on ne lit que les stances. Les dimanches on intercalle ici la cérémonie
des myrophores, qui commence par le chant des « bénédictions
de la résurrection », assez connues par le peuple entier.
Suivent l'acoustique et les antiennes du ton occurent, puis le répons
et la lecture de l'évangile de la résurrection. Les rubriques
demandent que le prêtre face la lecture en se tenant à un coin
latéral de la table eucharistique, mais la coutume locale est de faire
la lecture face au peuple, comme à la messe. Après cela, il
y a une acclamation de la résurrection, pendant laquelle le prêtre
expose le livre au milieu de l'église, chose qui clôture les
myrophores. Suit le psaume 50 [51], suivi les dimanches par trois antiennes
de la résurrection, puis le canon. Les rubriques prévoyaient
ici 10 cantiques scripturaires, dont le deuxième uniquement pour les
féries de carême, et dont les deux derniers (Magnificat + Benedictus)
soient collés ensemble. Les derniers versets de chaque cantique devraient
être accompagnés des impropaires du jour: pour les dimanches
les impropaires de la résurrection, du ton occurent. Chaque cantique
aurait une antienne en tête, qu'on repeterait à la fin, et qui
s'appelle
hirme. Chez les Wallaques on chante tous les impropaires
avec les hirmes, mais on omet tous les cantiques, sauf le Magnificat. En
Transylvanie on ne chante que les hirmes, pas ceux du jour, mais ceux de
l'Annonciation ou de la Ste Croix, ce qui allégère beaucoup
l'office. On chante quand même le contace du saint du jour après
le 3-e cantique, puis le contace de la résurrection avec la stance
après le 6-e cantique. Après le Magnificat et son hirme, on
passe directement à la prière des laudes. Les dimanches, cela
commence par le chant du graduel « Il est saint, le SEIGNEUR,
notre Dieu » (du Ps 98 [99]), qu'on omet en semaine. Cela est
suivi par l'apostille, une glose de l'évangile de la résurrection.
Il faut noter que l'apostille est lue chez les autres Byzantins, tandis qu'en
Transylvanie, elle a une mélodie propre. Suivent les psaumes 148,
149 et 150, que les dimanches et les jours de fête on précede
d'une antienne et dont on intercalle les derniers versets des stichères
du jour. À noter que la dernier stichère est chanté
en Transylvanie sur la mélodie de la grande doxologie. Au fait, la
grande doxologie (la
Gloria in excelsis) suit immédiatement
les laudes et, en Transylvanie, elle est considerée comme faisant
partie déjà de la messe. Après la Gloria, on omet les
litanies et les autres morceaux prévus par les rubriques, et l'on
passe à la formule trinitaire d'introduction de la messe.
4. L
ES IIÈMES VÊPRES.
Dans le rite byzantin "pur", le jour du Seigneur est clôture par
la messe, c'est pourquoi la nonne dominicale n'existe même pas; puis
les vêpres du dimanche soir font partie de l'office du lendemain. En
dépit de cela, les Byzantins transylvaniens gardent la belle coutume
occidentale des deuxièmes vêpres. L'office commence par l'invitatoire,
c'est-à-dire le psaume cosmique 103 [104], puis la grande litanie,
comme tous les jours. Après cela, on passe aux psaumes lucernaires
140 [141], 141 [142], 129 [130] et 116 [117]. De ces psaumes on ne chante
que les premiers deux versets du premier psaume, puis on passe aux psaumes
129 [130] et 116 [117], dont les versets sont intercallés de stichères.
Si chez les autres Byzantins il s'agit des stichères du saint du lendemain,
en Transylvanie on y pose les stichères du grand livre des couronnes,
prévus pour le dimanche soir, mais qui ne parlent malheureusement
pas de la résurrection. C'est pourquoi dans certaines paroisses ces
stichères sont remplacés soit par les stichères du samedi
soir, soit par des stichères dévotionnelles en l'honneur du
saint nom de Jésus. Après les psaumes et leurs stichères,
le prêtre revêt la chasuble et fait la procession, comme les
samedis soir. Après la procession et l'hymne de St Athénagore
« Joyeuse lumière » (en Transylvanie « Douce
lumière »), on chante le répons, puis – comme les
samedis soir – la prière universelle. L'office continue comme de coutume,
avec les apostiques, le cantique de Syméon, le trisage et le Notre
Père, après quoi on chante le tropaire des anges ou, dans certaines
paroisses, le tropaire de la résurrection du ton occurent, avec celui
de la Vierge (au lieu du tropaire du saint du lendemain prévu par
les rubriques), et tout de suite la bénédiction.
5. L
E SACREMENT DES MALADES.
Le rite byzantin prévoit que le sacrement soit conferé plutôt
à l'église, par sept prêtres, l'office comportant 7 bénédictions
de l'huile, 7 épîtres, 7 évangiles, 7 prières
de délivrance et 7 onctions. D'abord les prêtres, avant la formule
trinitaire du début, doivent bénir chacun d'entre eux l'huile
d'une lampe allumée, puis suit un schéma que doit accomplir
chaque prêtre: épître (lue pourtant par le chantre), évangile,
prière, onction. À part le défi de la moldo-walachisation,
en Transylvanie on a deux formes: une pour le sacrement des malades conferé
au domicile du malade ou à l'hôpital par un seul prêtre,
et un autre pour les rares célébrations communautaires. La
première forme commence par la formule trinitaire initiale, puis la
grande litanie avec les intentions particulières pour le malade. Comme
prière conclusive de la litanie, le prêtre bénit de l'huile,
qui se trouve dans un vase et pas dans une lampe. Parfois, au lieu de bénir
l'huile, le prêtre apporte de l'huile qui avait été béni
par plusieurs prêtres lors d'une célébration communautaire.
Suit un répons bref, puis l'épître (Jc 5), Alléluia
et l'évangile (Lc 10 – le bon samaritain), une très breve litanie,
dont la prière conclusive est une prière fondamentale du sacrement,
lors de laquelle le prêtre oint le malade. Après la bénédiction
et le pardon, le prêtre donne au malade d'ouvrir l'évangéliaire
au hasard, après quoi le prêtre pose l'évangéliaire
sur la tête du malade, en lisant une prière de délivrance,
puis il lit la péricope où le malade avait ouvert le livre.
Lors des célébrations communautaires, on fait les lectures
l'un après l'autre. Après les lectures, le président
chante à haute voix la première des prières, tandis
que les autres six lisent à voix basse les autres prières.
Puis suivent les 7 onctions l'une après l'autre, le rituel de l'évangéliaire
ouvert au hasard et la prière de délivrance, et la bénédiction
et le pardon.
6. L
E SACREMENT DE LA RÉCONCILIATION.
En Transylvanie le sacrement de la réconciliation (appelé
désormais "confession") comporte quelques prières préparatoires,
dont une porte le titre de « prière que l'archipasteur
dit pour l'absolution ». S'il n'y a qu'un seul fidèle à
se confesser, les prières sont omises. La confession proprement-dite
ne se déroule jamais devant l'iconostase, mais à l'écart.
Comme dans les vieux livres slaves, la prière d'absolution est celle
de Pierre Movilă de Kiev. Le "canon" de pénitence n'est jamais dépendant
des soi-disant canons, prétendus des Pères de l'Église.
En tout cas, une exclusion de la sainte communion n'est jamais d'application:
c'est le Christ qui a assez souffert pour le pardon de tous. Les remèdes
pour les pénitents sont de la nature du péché. Par exemple,
traditionellement, le "canon" pour l'avortement provoqué est que la
personne en cause procure des vêtements – selon ses possibilités
financières – pour un enfant pauvre. Mais le pénitent recevra
le pardon, communiera à la messe, puis accomplira le remède
que le prêtre lui a donné à faire.
III. Autres particularités
1. L
A LANGUE LITURGIQUE.
Les premières traductions liturgiques en roumain ont été
faites par le diacre Coresi, au sud de la Transylvanie, au XVI-e siècle.
Ce langage n'était par transylvanien, puisqu'il travaillait aussi pour
d'autres terroirs. En 1646, quand les Transylvaniens nordiques et les Ukrainiens
s'unirent à Rome, ce ne fut pas pour des raisons économiques,
mais pour l'introduction de la langue maternelle dans le culte. C'est ainsi
que le roumain, plus exactement le dialecte transylvanien, est devenu langue
liturgique, tandis que chez les Wallaques et les Moldaves cela se adviendra
un siècle plus tard. En tout cas, le dialecte transylvanien étant
plus riche que le moldo-wallaque, le premier fut adopté dans le culte
dès 1850 même en Wallachie et en Moldavie. Il suffit d'ouvrir
un horologe publié à Bucarest avant 1915 ou un livre du professeur
wallaque Badea Cireşanu, ou bien la Bible traduite par N. Nitzulescu et publiée
à Bucarest en 1901, et d'en tirer les conclusions. Après 1918,
le dialecte du sud a été considéré comme langue
officielle, mais en Transylvanie le dialecte propre est resté dans
la liturgie. Après la deuxième guerre, les philologues ne reconnaissent
plus les deux dialectes, en prétendant que partout en Roumanie on parlerait
le « dialecte daco-roumain », et qu'en Transylvanie
il y aurait « plusieurs sous-dialectes ». Une fois que
les uniates de Transylvanie deviennent orthodoxes contre leur gré en
1948, le patriarque Justinien Marina publie en 1950 un liturgiaire dont le
langage est un mélange entre les deux dialectes, ayant des mots wallaques
dont la traduction transylvanienne est mise entre paranthèses. Le
défi de la walachisation vomit aujourd'hui des livres liturgiques
qui excluent tout terme transylvanien, catalogué de "catholicisme".
Ainsi, les mots transylvaniens « compătimi » (compâtir),
« cumineca » (communier), « deslegare »
(déliaison, délivrance), « durere » (douleur),
« fugări » (faire fuir, chasser), « mărire »
(magnificence, gloire), « păresimi » (carême),
« scăpa » (échapper, délivrer), « spirit »
(esprit), « suferinţă » (souffrance), « umilinţă »
(humilité), sont devenus: « milostivi », « împărtăşi »,
« molitvă », « scîrbă »,
« goni », « slavă », « postul
mare », « izbăvi », « duh »,
« muncă », « smerenie ». Mais
il ne s'agit pas seulement des mots, des "régionalismes", mais aussi
et surtout des expressions, beaucoup plus succulentes en dialecte transylvanien.
Il fallait introduir des livres uniques pour tout le monde, pour exterminer
toute particularité liturgique et spirituelle transylvanienne. Et
ce n'est pas uniquement ça. Tout terme d'origine trop romane rappelle
le rite d'origine des Roumains, ce qui fait mal à certains. Les chantres
des villages savent remplacer. C'est-à-dire que toutes les fois qu'on
voit un mot wallaque ou une expression wallaque, on chante la traduction
transylvanienne, par automatisme. En dehors de cela, il faut dire un mot
sur la langue d'orgine. Tous les livres liturgiques moldo-wallaques sont
traduits à partir du slavon, tandis que tous les livres transylvaniens
ont été au moins revisés d'après les livres grecs,
sinon traduits à partir du grec, tout en gardant les expressions déjà
accoutumées. Aujourd'hui on est arrivés à deux extrêmes:
d'un part, dans certaines églises urbaines transylvaniennes uniates,
on fait la messe en dialecte transylvanien, mais le prêtre dit l'homélie
en dialecte wallaque "officiel", pour que les "intellectuels" le comprennent;
de l'autre part, dans quelques églises orthodoxes de campagne, on fait
la messe en dialecte wallaque, qui est l'idiome "approuvé par le Saint-Synode",
mais le prêtre – quelle que soit son âge – doit prêcher
en dialecte transylvanien, sinon les villageois ne comprendront rien.
2. L
E CHANT LITURGIQUE.
Le chant byzantin contemporain n'a jamais été connu en
Transylvanie. Il y a pourtant trois grandes façons de chanter les
psaumes avec les stichères, les antiennes et les tropaires selon les
8 tons. Il y a donc trois systèmes d'intonation des 8 tons, selon
les villes: Blaise, Muncace et Sibiu. Le premier, connu aussi sous le nom
de "tons grecs", a à l'origine le chant vieux byzantin, travaillé
par un moine ukrainien au XVIIIe siècle, et arrivé en Trasylvanie
par voix orale; il est en générale monophonique ou monodique.
Le système muncacien, appelé populairement "tons russiques"
vient d'une évolution du chant slave, tel qu'il a été
connu à la métropole de Muncace; il permet aisément
la polyphonie. Le troisième système, connu courramment comme
"chant de Cunţanu" vient du chant byzantin médiéval, évolué
dans les paroisses du sud de la Transylvanie et mis sur la portée
par le musicien Démètre Cunţanu, à la demande du métropolite
André Şaguna, à la fin du XIXe siècle. Le chant cybien
permet aussi bien l'ison que la polyphonie. Pour chaque ton, il y a trois
variantes: psaume, tropaire et antienne. En ce qui concerne les tons blasiens
et muncaciens, les apostiques et les répons se chantent comme les
psaumes, tandis que les graduels et les impropaires se chantent comme les
tropaires. Quant aux tons cybiens, sur la mélodie des antiennes on
chante également les apostiques, les impropaires et les répons,
et ce ne sont que les graduels qui se chantent comme les tropaires. Il y
a des variantes qui se ressemblent fort. Par exemple, le 7e ton, pour tous
les trois systèmes, est presque le même, pour toutes les variantes.
Le 4e ton de tropaire est le même à Sibiu et à Blaise,
et pour l'antienne il y en a très peu de différence. Le chant
blasien est très vivace et se chante presque toujours en allegretto.
Le chant sybien est le plus traîné. En ce qui concerne les chants
de messe, traditionellement presque tout doyenné a ses mélodies
de messe, avec de sensibles variations d'une localité à l'autre,
transmises de génération en génération et executées
par toute l'assemblée. Maintenant il y a une certaine unification,
puisqu'un grand nombre de communautés ont adopté les
chants de messe de Sibiu, mis par écrit au milieu du XXe siècle.
D'habitude, là où l'on chante les tons blasiens, les chants
de messe sont dans le même esprit.
3. L
ES DÉVOTIONS. Chapelet hésychaste. Métanies (prosternations). Discipline monastique.
4.
IER DÉFI : LA TRIDENTINISATION.
Les églises catholiques romaines et même quelques églises
protestantes de l'Occident connaissent bien les icônes et le chant byzantin.
Didier Rance, Marie-Gabrielle Leblanc et d'autres encore ont été
stupéfaits de trouver en Transylvanie des églises de rite byzantin,
uniates, pleines de statues, images du sacré-cœur, et d'y recevoir
la communion sous forme de préfabriqués azymes. Oui, c'est une
triste réalité, mais ce n'est que la surface. Le fond est bien
plus tridentinisé. Il serait faux de parler de latinisation. Si ces
communautés uniates transylvaniennes étaient latinisées,
elle connaîtraient plutôt les icônes, les secretes dites
à haute voix, la pratique du jeûne, la vigile de Pâque
restaurée..., mais ce n'est pas du tout le cas. Le phénomène
de la tridentinisation a commencé assez tôt. Quand on pense
que Pierre Movilă (XVIIe siècle), métropolite de Kiev
d'origine moldave, croyait au purgatoire, on voit que non seulement le rite
byzantin des uniates, mais aussi celui des orthodoxes a été
tridentinisé. Comme le rite romain de Pie V ne connaissait pas les
vigiles – en entendant par cela les messes vêprées de la
veille des fêtes – la première mesure prise par les Transylvaniens
et aussi par un grand nombre de communautés slaves fut celle de ne
plus faire les vigiles et de les transferer le matin de la veille comme des
messes de férie. Le culte marial transylvanien, bien connu dès
avant l'uniatisme, puisât dans le nouveau dogme de l'immaculé conception.
Le prêtre écrivain Ión Agârbiceanu en témoigne
bien dans son livre « Preacurata » (« La
Toute-pure ») de 1915, en disant que le nouveau dogme ne fait
que réjouir les orthodoxes, et en montrant le rite byzantin comme
plus marial que le rite romain. Mais le père Agârbiceanu nous
donne une information très précieuse: à ce temps-là
le rosaire marial n'était pas connu par le peuple; c'est pourquoi
il doit l'expliquer, mais dans un esprit fort byzantin, peut-être de
peur à ne pas scandaliser ses lecteurs. Pratiquement le rosaire sera
répandu vers 1925, en tant que "supplément aux vêpres",
et le chemin de croix, en tant que "introduction aux vêpres". Suivirent
les dévotions des saints. Le saint le plus vénéré
en Transylvanie fut et reste St Antoine de Padoue. Des moines uniates commencèrent
à composer un office byzantin en son honneur, mais ils abandonnèrent
vite leur travail, puisque les neuvaines servaient à la piété
populaire plus que les tropaires et les stichères. À partir
des années 1940, quelques moines uniates composèrent des offices
soi-disant byzantins pour des dévotions latines. Le premier de ce
genre fut la bénédiction eucharistique, comportant le graduel
« Le SEIGNEUR est Dieu » des matines suivi de l' « Adoro
te devote » de Thomas d'Aquin, le cantique « Dieu est
avec nous » des complies, puis la bénédiction eucharistique,
suivie du
Sanctus. Le deuxième office du même genre fut une dévotion au
sacré-cœur, commençant toujours par le même graduel des
matines, suivi d'un hymne au sacré-cœur et d'une "litanie" ayant comme
réponse: « Nous te prions, exauce-nous », chose
qui n'a absolument rien à voir avec l'esprit byzantin. Bien entendu,
tous ces offices bâtards n'ont pas été reçus par
les orthodoxes – du moins par le clergé – sauf le chemin
de croix, dont l'origine primaire était quand même en Orient.
Arrivat le temps de la clandestinité pour l'Église Roumaine
Unie à Rome, dont les paroisses furent passées sous la jurisdiction
des évêques orthodoxes. Pour les simples gens, tout restait
comme avant, sauf que, pour commencer, il fallait dire « Seigneur
prends pitié » et « Saint-Esprit »
non plus en dialecte transylvanien, mais en dialecte walaque. Presque toutes
les dévotions se gardaient dans les anciennes paroisses uniates, mais
on avait jeté à la poubelle les quelques statues et les stations
du chemin de croix, ce qui provoquera une grande nostalgie pour beaucoup.
En 1990 sortit le premier livre de prières uniate après la
longue pause d'un demi-siècle. Il s'appelait
Ieşirea la Lumină (« L'Issue
à la Lumière ») et contenait la partie du chœur
à la messe, la bénédiction eucharistique, l'office
au sacré-cœur de Jésus, le chemin de croix, le rosaire...,
et était garni de quelques 200 images, toutes piétistes
et de mauvais goût. Point d'icônes, point de prière d'origine
patristique, point d'enseignement de Vatican II. Ce livre connaîtra
une deuxième édition, dont l'image de la couverture sera une
étole latine et un ciboire avec une blanche hostie préfabriquée
dessus. Les
églises furent remplies de statues, le chapelet de la Vierge Marie devint
la dévotion principale, quoique paré de quelques byzantinismes.
Après 1990, les uniates commencèrent à célébrer
l'eucharistie non plus avec un seul pain levé, mais avec des préfabriqués
azymes. Des personnes âgées recevèrent
sur leur lit de mort ce que naguère ils avaient appelé « la communion
hongroise », en d'autres termes la communion sous "l'espece du pain seul".
Le
filioque entre dans le credo. Et tout ça, au nom de l' "aggiornamento", même au nom du concile
Vatican II. Aujourd'hui non seulement les églises uniates sont
garnies de statues, mais un nouvel "aggiornamento" s'est imposé: la
statuostase, pour remplacer
l'iconostase. Il fallait résoudre certains problèmes pratiques.
Par exemple, on pensait que la messe durait trop longtemps et donc il fallait
la raccourcir. D'accord. Pour cela, les uniates éliminent la préface
(la partie de la prière eucharistique avant le
Sanctus), les
dyptiques et encore beaucoup de prières importantes. Un deuxième
exemple: dans notre société les gens ne peuvent plus participer
à la messe en matinée, du moins en semaine. La messe du soir
s'est imposée. Apparemment rien de mauvais, même on pourrait
parler d'une bonne initiative. Pourtant cette messe du soir n'est pas vêprée.
Elle commence avec les typiques et, même les samedis soir, on ne célèbre
pas la résurrection, malgré le droit canon et malgré
la vieille tradition de l'Église, sans parler des affinités
byzantines.
5.
IIÈME DÉFI : LA MOLDO-WALACHISATION
. Avez-vous jamais vu un moine ou un prêtre transylvanien aux longs
cheveux ou des jeunes transylvaniens portant un petit chapelet noir ("tchotki")
comme bracelet ? Si oui, c'est le premier signe de moldo-walachisation.
Puisqu'on parle de la liturgie et non de la doctrine, je me bornerai aux
aspects liturgiques de ce phénomène, sans parler de sa sotériologie
néo-païenne et de son fondamentalisme doctrinal. Ce phénomène
a démarré très lentement dès 1948, mais il n'a
été sérieux qu'après 1990. Avant tout, ce phénomène
se veut comme un réveil spirituel et le retour aux origines. Mais
quelle origines ?! Suspectant de "catholicisme" tout ce qu'on voyait
en Transylvanie et qu'on ne trouvait pas ailleurs dans le monde byzantin,
quelques jeunes prêtres et séminaristes se proposent d'écraser
non seulement toute latinisation, mais tout élément spécifique
orthodoxe transylvanien. Pour entreprendre un tel procès, on cherchait
le rite byzantin pur et la doctrine pure dans les monastères de Sihăstria
en Moldavie et Frăsinei-Vâlcea en Wallachie qui, à leur tour,
prétendaient puiser du Mont Athos leur spiritualité. Les nouveaux
"évangélisateurs" d'abord prétendent que le rite byzantin
moldo-wallaque (désormais surnommé "de Sihăstria" ou "de Frăsinei",
voire "athonite") avec sa spiritualité fussent institués par
les Pères de l'Église, sans pouvoir pourtant justifier leur
dires par des écrits patristiques. Bref, ils propagent le monopole
du rite byzantin, en prétendant qu'il ait été employé
partout dans le monde, dès l'époque patristique voire apostolique,
et que tous les autres rites ne seraient que des déviations de ce
"rite universel", concretisé par l'obéissance à la "nouvelle
Loi" que représentaient les "saints canons". Ce défi a des
suites dans le rite. Tout d'abord, la messe n'est plus dite en semaine ou,
si elle l'est occasionellement, elle exige une préparation épuisable.
Les particularités transylvaniennes n'ont plus leur place ni dans les
paroisses, ni dans les monastères. Le plus grave, ce sera une nouvelle
méthodologie des sacrements. Ainsi, les pénitents recevront
des canons très lourds: exclusion de la communion pendant des mois
et des années, ou des dévotions pénibles et irraisonnables
(lire quelques cathismes chaque jour, faire des métanies-génuflexions,
privation d'aliments indispensables ou nourriture unilatérale...).
Les gens "idéaux" ne pourront communier qu'une fois tous les 40 jours.
Une nouvelle théologie du péché est là: c'est
le moralisme, et tout ce qui n'y correspond est regardé comme satanique.
Historiquement, ce courrant a réussi de faire son apparition en Transylvanie
à travers un commerce avec les messes votives. Si autrefois dans
l'Église romaine il y avait des messes votives en semaine, dans les
communautés transylvaniennes moldo-walachisées toutes les
intentions de messe seront lues à haute voix les dimanches matin.
On arrive à des prières universelles qui durent entre vingt
et quarante minutes, même jusqu'à huitante minutes lors de l'Assomption.
À cela se joindra le changement d'idiome liturgique. Puis, vers les
années 1980, l'homélie sera transferée de sa place habituelle
qui est après la lecture de l'évangile, à une place
plus "moderne", c'est-à-dire après le renvoi, ou bien entre
la communion du président et celle des laïcs. En même temps,
quelques-uns – et il s'agit bien ici des séminaristes transylvaniens
qui ont été en pélérinage aux monastères
moldaves et wallaques – découvriront les canons prétendus patristiques:
« Voilà, à tout fumeur qui se confesse et qui veut
renoncer à son péché, St Basile le Grand impose
deux ans d'exclusion de la sainte communion ! ». Après
les années 1990, lorsque les uniates ressurgirent, il fallait faire
alors toujours le contraire de ce que font les uniates: l'uniate, c'est l'ennemi;
nous autres, on est des orthodoxes. Commence une idolatrisation des icônes.
Le sacrement des malades devient une prière pour toute affliction
et toute détresse. Les exorcismes deviennent à la mode dans
une grande partie des monastères. Suit l'idolatrie des gestes liturgiques:
fermeture des rideaux de l'iconostase, encensements exactes, mouvements liturgiques
antiféministes... La moldo-walachisation s'est appuyée sur
les écrits des moines moldaves de Sihăstria: Élie Cleopa pour
la doctrine et Nicodème Măndiţă pour le rite. Lorsque les clericaux
uniates souffraient en prison entre 1948-1990, à leur côté
souffrait – entre autres – le père Jean Iovan, prêtre moine
orthodoxe qui ne se gênait pas de concélébrer l'eucharistie
avec des prêtres uniates ou avec un vicaire général catholique
romain, le père Xavier. De fait, le père Iovan, avant d'être
jeté en prison, lorsqu'il se trouvait au monastère de Vladimiresci,
était renommé de présider la messe tous les jours, en
plein air, pour environ 2000 fidèles chaque fois. Les autorités
communistes ne surent pas l'arrêter puisque, à travers ses homélies,
il réussit de convertir les policier qui étaient venus pour
l'enlever. En dépit de l'impuissance des autorités, un "concile"
se réunit, présidé par le métropolite orthodoxe
de la Transylvanie Antoine Plămădeală, assisté par Élie Cleopa
entre autres. Ce "concile" déclara le père Iovan hérétique,
pour avoir donné trop souvent la communion aux fidèles, sans
avoir au moins exigé le sacrement de la confession au préalable,
pour avoir confié la sainte communion aux fidèles, afin que
ceux-ci l'ait emportée aux foyers. Après avoir anathémisé
le père Iovan, le concile le livra aux autorités civiles, qui
purent ainsi le mettre en prison. Bien sûr, on ne pouvait pas moldo-walachiser
la Transylvanie, tout ayant comme adversaire un personage comme le père
Ioan Iovan. Plus tard, le même métropolite Antoine Plămădeală
fit les démarches pour que le père Iovant sortît de la
géole, mais à ce moment-là il fut placé dans le
monastère de Recea, près de Târgu-Mureş, où il
réside actuellement. Il n'est plus "dangereux", puisque la moldo-walachisation
des paroisses et monastères transylvaniennes est encore en fleur.
Nicodème Măndiţă est décédé, mais son livre « L'Ordo
de la confession » est bien connu partout et propagé par
la soi-disant "Association des Étudiants Chrétiens Orthodoxes
Roumains" (ASCOR), de fait un groupe fondamentaliste de séminaristes
et étudiants de théologie; Élie Cleopa n'est plus en
vie, mais on trouve ses disaines de bouquins dans toutes les librairies orthodoxes.
En Transylvanie, la moldo-walachisation a trouvé son foyer dans la
première communauté à avoir rejeté le rite traditionnel
et à s'être imposé le "rite de Sihăstria", et il s'agit
bien du monastère de Portăriţa, où l'on publie des livres dans
le même esprit qu'à Sihăstria.
6. CONCLUSIONS. (Simultanaeum, préface à haute voix à Caransebes). Malgré